Mémoire, communication et perception

Kent Jeffreys, lundi 16 juin 1997

Quelques mots sur les pièges potentiels de la mémoire, la communication et la perception humaine pourraient apporter quelque lumière sur comment le "mythe" entourant l'événement de Roswell a évolué. Les observations suivantes sont faites strictement à part du bon sens et de l'expérience du monde réel, pas de quelque théorie psychologique abstraite ou ésotérique.

La mémoire défaillante est à l'évidence un des plus grands inconvénients pour reconstruire avec exactitude les événements du passé, en particulier si beaucoup de temps s'est écoulé. Alors que la mémoire nous sert généralement bien, elle n'est pas comme le retour arrière d'une bande numérique ? elle est loin d'être précise ou absolue. Avec le passage du temps, les images d'événements différents peuvent être mélangés par inadvertance. Également, les images mentales de choses uniquement imaginées peuvent par inadvertance mélangées ou troublées par des souvenirs de choses bel et biens observés ou d'événements bel et bien vécus.

Si la mémoire était parfaite, chacun d'entre nous aurait régulièrement réalisés des scores parfaits dans l'ensemble de nos examens au lycée comme à l'université. Nous nous souviendrions avec parfaite exactitude de chaque nom, visage, scène, lieu et événement que nous avons entendu, vu ou vécu. A l'évidence, la mémoire humaine ne fonctionne pas ainsi. Il est intéressant de noter, cependant, que dans le cas du témoignage humain, il semble souvent être supposé de manière irréaliste que ce soit le cas.

Comme la mémoire défaillante, une communication imprécise peut aussi être un inconvénient pour reconstruire précisément des événements passés. Une communication erronée est sans aucun doute un facteur du témoignage de 2ème main. Peut-être est-ce pour cela en partie que le témoignage de 2ᵉ main n'est pas admissible en cour de justice. Il y a un jeu parfois joué par les enfants qui illustre amplement le problème des erreurs de communication, et par voie de conséquence aussi le témoignage de 2ᵉ main. Un groupe forme un cercle et un message est murmuré d'une personne à la suivante. Après avoir fait le tour quelques fois, le message d'origine est généralement complètement inreconnaissable. Il n'y a pas besoin de beaucoup d'imagination pour réaliser combien le problème serait exacerbé s'il y avait un espace de plusieurs années chaque fois que le message était transmis. Il est intéressant de noter que, dans le cas de Roswell, la plupart des témoignages de 2ᵉ main, auxquels sont accordés tant importance, proviennent d'informations transmises de nombreuses années en arrière.

Les erreurs de perception sont probablement plus fréquentes que la plupart des gens ne le réalisent. La perception est souvent influencée par ses propres attentes. Nous avons probablement tous remarqué ce phénomène à une micro-échelle en essayant de relire quelque chose. À la manière d'une amélioration par ordinateur, le cerveau tend à compenser automatiquement les lettres ou mots manquants qui sont supposés être là. En d'autres mots, il tend automatiquement à "remplir les blancs".

Le problème des attentes influençant la perception est exacerbé lorsque l'on se remémore des événements passés. La mémoire semble en quelque sorte avoir la capacité de déformer une observation rétroactivement pour mieux la faire correspondre aux attentes. Ce phénomène peut être un vrai problème avec les récits de témoins d'accidents de la circulation, et encore plus pour des accidents d'aviation ? même des récits d'observateurs expérimentés. Par exemple, en août 1987, un MD-88 des Northwest Airlines décolla de l'aéroport Metro de Detroit. L'équipage, cependant, n'était pas parvenu à abaisser les volets en position de décollage (15 °). Dans la plupart des circonstances, cette erreur n'aurait pas été fatale. Malheureusement, en raison d'autres facteurs ayant contribué (piste courte, journée chaude, appareil chargé à bloc, etc.), ils n'y arrivèrent pas. Lors de l'enquête sur l'accident, l'équipage de l'appareil en ligne pour décoller immédiatement derrière l'avion de la Northwest témoigna que ses volets étaient sans nul doute abaissés en position de décollage. Une analyse de l'épave et de l'enregistreur de vol, cependant, montra le contraire. Le témoignage de l'équipage du 2d appareil était incorrect. Ce dont ils se souvenaient était qu'ils pensaient devoir avoir vu plutôt que ce qu'ils avaient réellement vu.