La photographie de Jack LeMonde

La photo d'origine de Jack LeMonde en juin 1945
La photo d'origine de Jack LeMonde en juin 1945

Un matin de juin 1945, à Burbank (Californie), Jack LeMonde (un pseudonyme) est photographié en uniforme militaire, à cheval près des étables de Pickwick. LeMonde a servi dans le Corps des Marines US, blessé par 2 fois dans le Pacifique Sud, est revenu chez lui mais s'apprête à repartir. Pour être pris en photo par son père (un producteur de film techniquement expérimenté) il confie à ce dernier son propre appareil, un Voightlander allemand équipé d'un objectif Karl Zeiss f3.5 — peut-être f4.5 — avec une longueur focale d'approximativement 10 cm, chargé avec un film Kodak standard 120 et une ASA de 25. Le f-stop est (de mémoire) à f-11 avec une vitesse d'obturation de 1/50ème de s.

Soucoupe volante ou lampe suspendue ?
Soucoupe volante ou lampe suspendue ?

Au développement, raconte LeMonde, ils remarquent cet objet étrange au-dessus de la nuque du cheval. Ils l'attribuent à un avion au loin ou à un grain de poussière qui se serait trouvé sur le négatif, et placent la photo dans l'album de famille, où elle va rester pendant 50 ans, sans qu'aucune vague d'observations d'ovnis — en 1947, 1952 ou après — ne la fasse ressortir.

A la mort du père de LeMonde cependant, plusieurs membres de la famille demandent des copies des photos familliales. LeMonde, en scannant cette photo parmi d'autres, redécouvre le "défaut" et, en agrandissant le détail, s'apperçoit qu'il s'agit d'un objet structuré. Il pense d'abord à une lampe de rue quelconque, dont le poteau aurait été masqué par l'arrière-plan lumineux, à moins qu'il ne s'agisse d'une lampe suspendue à une ligne électrique non visible sur la photo. Mais l'objet semble décidément trop étrange, et LeMonde s'autorise à envisager qu'il dispose de la photo d'un objet véritablement inconnu. Il évalue sa distance à plus de 2 miles (plus tard il parlera de 1 mile seulement) et, étant donné l'angle de la photo, évalue son altitude entre 750 et 850 pieds.

Enquêtes

NIDS

En février 2000, John B. AlexanderAlexander, John B. du NIDS est contacté par Peter A. GerstenGersten, Peter A. à propos de la photo, postée sur le site du CAUS. Alexander entreprend une étude du cas s1Alexander, John. "1945 Jack LeMonde UFO Photo Analysis", NIDS, commençant par échanger quelques courriels avec LeMonde qui accepte de le rencontrer le jeudi 9 mars 2000. Alexander est agréablement surpris lorsque, demandant une copie de la photo à son propriétaire, il se voit prêter l'original (ci-dessus). Les négatifs cependant, ont été perdus au cours de la cinquantaine d'années qui a passé.

Alexander pense d'abord vérifier la date de la photo à partir du papier du tirage, prenant conseil auprès d'un ancien membre de l'Unité Photographique Spéciale du FBI, mais ce dernier lui indique que les archives historiques nécessaires n'existent pas et que la seule méthode envisageable consiste en une émulsion chimique qui détruirait la partie de la photo testée. Alexander préfère alors renoncer à ce procédé, et se contente d'examiner la photo de près — sans trouver d'anachronismes — et vérifier à l'aide d'autres photos que LeMonde est bien la personne qui y figure.

Alexander fait ensuite appel à Peter Stankiewicz, un ancien analyste photo de l'USAF, gérant aujourd'hui le plus grand laboratoire photographique de Las Vegas. Tous 2 examinent au microscope le tirage d'origine, une planche contact de 2 x 3 pouces. Tous les aspects d'angle de lumière et d'intensité semblent cohérents, et ils ne distinguent au niveau du grain aucune structure susceptible de soutenir l'objet. De plus, l'objet semble trop net pour avoir été jeté dans les airs (étant donnée la vitesse d'obturation, il aurait été flou). Enfin, Alexander rejette l'hypothèse de la lampe pour plusieurs raisons : d'abord il ne peut trouver d'exemples à l'époque de tels éclairages disposés sur des fils, sans supports fixes n1Comme il est impossible de prouver que quelque chose n'existe pas, le fait de ne pas trouver d'exemples de telles lampes ne prouvait bien évidemment pas qu'elles n'existent pas. Il s'agit là d'un exemple de la maxime "l'absence de preuve est la preuve de l'absence", un argument fallacieux pourtant généralement l'apanage de rationnalistes, et ensuite il considère que l'objet, apparaissant plus éloigné de par sa granularité, situé bien au-dessus de la hauteur habituelle de tels éclairages publics. Il en veut pour point de repère une sorte d'arche de type art déco que l'on distingue également derrière la nuque du cheval, qu'il prend pour l'enseigne d'un cinéma de plein air (un drive-in qui n'ouvrira en fait qu'en 1949) s2Alexander, J.: "Is The LeMonde UFO A Light Fixture?", NIDS.

Alexander redonne la photo à LeMonde, concluant qu'il a probablement pris la 1ère photo d'une authentique soucoupe volante. Il en veut pour preuve d'autres photos de soucoupes (non authentifiées) à l'apparence semblable.

Neff

Derrière LeMonde (détail en haut à droite), les arches d'une enseigne de cinéma de plein air,                apparemment plus nette que l'objet. Les lignes rouges indiquent l'angle des lignes électriques ou                téléphoniques qui suivraient le bord de la route.
Derrière LeMonde (détail en haut à droite), les arches d'une enseigne de cinéma de plein air, apparemment plus nette que l'objet. Les lignes rouges indiquent l'angle des lignes électriques ou téléphoniques qui suivraient le bord de la route.

Le mardi 1 juin 2004, à l'occasion de l'anniversaire du cas, James Neff publie une analyse complémentaire s3Neff, James. "June 1945 - The Curious Case Of The Jack LeMonde UFO Photo", Rense, 1er juin 2004. Adoptant la même position qu'Alexander, il rappelle la différence de netteté apparente entre l'objet mystérieux et l'arche visible derrière LeMonde sur la gauche. Comparé aux grain et aux niveaux de noirs du poteau téléphonique ou des arbres du coin inférieur droit de la photo, l'objet lui apparaît comme pratiquement égal en intensité visuelle avec ces objets très éloignés, si ce n'est plus.

Bien que ne distinguant aucun fil autour de l'objet, il examine toutefois l'hypothèse de lignes électriques soutenant ce qui pourrait être une lampe, à partir du poteau visible, mais sans succès. Cela ne colle pas, parce que les lignes électriques/téléphoniques du poteau visible à distance s'arrêtent probablement là et ne passent certainement pas devant l'endroit où se trouvent LeMonde et les chevaux ; en tout cas, on n'en voit pas la moindre trace à l'image. Paradoxalement après avoir parlé du poteau, il rappelle que les étables de Pickwick étaient situées dans une zone très rurale, où le nombre de lignes électriques et téléphoniques était probablement très limité, moins encore que des montages d'éclairages ornementaux. Son analyse du contraste et la recherche de "bords" (edges) par imagerie numérique détectent tout de même un fil dans la partie supérieure gauche de l'image, mais qui n'est pas en cause.

RR0 (2006)

Un ajustement des tons les plus clairs fait apparaître un fil plus éloigné, croisant la                position de l'objet
Un ajustement des tons les plus clairs fait apparaître un fil plus éloigné, croisant la position de l'objet

En analysant la photographie d'origine, rien à faire : pas de fil apparent sur ce ciel clair. En ajustant les tons les plus clairs cependant, le tracé d'un autre fil, jusqu'ici trop ténu pour être facilement découvert, apparaît. Presque parallèle à un fil plus proche et plus visible, il passe derrière LeMonde et croise la position de l'objet (pas en son point le plus haut cependant, mais au niveau d'un d'un dômes). Comment ce fil, visible par une simple manipulation de contraste et luminosité, a-t-il pu échapper aux analyses détaillées d'Alexander ou à un ancien analyste photo de l'USAF comme Stankiewicz ? Peut-être est-là la démonstration que, à regarder de trop près, on ne voit pas toujours l'essentiel.

Les lampes à réflecteur radial couverts de porcelaine émaillée on fait leur apparition dans les années                1930s. On en trouve encore en Californie (ici à Pasadena, suspendue directement au fil électrique) s4California Streetlights
Les lampes à réflecteur radial couverts de porcelaine émaillée on fait leur apparition dans les années 1930s. On en trouve encore en Californie (ici à Pasadena, suspendue directement au fil électrique) s4California Streetlights

Toujours est-il que l'hypothèse de la lampe n'en devient que plus crédible et, de fait, le modèle de lampe retrouvé par John Lereau s5Lereau, John. "The LeMonde UFO/Light Fixture Debate: Update August 2001", NIDS, août 2001 semble correspondre. On le retrouve utilisé dans les lampes de rue en Californie à partir des années 1930s n2D'où la forte probabilité d'une explication semblable à la photo de Sutton. Particulièrement similaire à l'objet de la photo, ce type de lampe était tantôt accroché à un support fixe, tantôt directement aux fils électriques (comme ici à gauche).

Ainsi, non seulement le lieu était bel et bien émaillé de fils électriques bien visibles — pour peu que l'on ne travaille pas sur une version de la photo trop éclaircie — mais il semble très probable que l'objet non identifié, de la forme de lampes utilisées à l'époque, ait été relié à un de ces fils.

Certains évoqueront que ce fil ne soit en fait qu'une rayure du négatif, en diagonale, croisant opportunément la position de la lampe, s'arrêtant avant LeMonde, et reprenant après LeMonde.